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Ce matin, lorsque j’ai écarté les rideaux afin d’amener un peu de lumière dans la chambre, j’ai découvert le premier paysage d’hiver de l’année. Dans ce genre de moment, peu importe qu’on ait accumulé quelques printemps, notre regard de surprise est le même que lorsque nous n’étions encore que des enfants découvrant avec ébahissement la puissance de la nature. Dans ce petit matin blanc, aucune âme n’était encore sortie de son nid, laissant l’intégralité des surfaces neigeuses  lisses et immaculées. Quel instant serait plus propice à jeter un nouveau regard sur le monde que cette contemplation d’étendue vierge ? Chacune des irrégularités du sol a été recouverte d’une  fourrure fraîche nous laissant la liberté d’imaginer ce qui peut être caché dessous. Les arbres qui se dressent semblent être des équilibristes patients, conscient que la première bourrasque de vent capricieux fera dégringoler leur décor de flocons en une feinte pluie. Quelques plantes rebelles brandissent encore une feuille ou deux, comme un ultime salut au ciel qui les enveloppera bientôt de son manteau de glace. Leur abyssal sommeil ne prendra fin que dans plusieurs lunes et lorsqu’elles s’étireront de nouveau, le monde aura changé, encore. L’horizon a simplement disparu, liant le tapis terrestre au lourd plafond de coton. Leur mariage parfait en une pure unité a été scellé par un baiser gelé. Tout semble calme et éternel. Pourtant, bientôt, le pied des hommes et leurs machines reprendront le dessus sur cette beauté irréprochable. Leur reconquête civilisée est inévitable et il est inutile de leur en tenir rigueur, car c’est sans nul doute parce qu’ils sont éphémères que ces matins sont si beaux.